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Préjudice d'anxiété des travailleurs

 
Le préjudice d'anxiété, qui est un préjudice moral, a fait l'objet d'importantes applications et extensions jurisprudentielles ces dernières années.

Initialement, l'anxiété à développer une maladie liée à une substance toxique n'était pas considérée comme une maladie professionnelle.
En effet, seuls les salariés ayant travaillé dans l'un des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pouvaient solliciter la réparation de leur préjudice d'anxiété.
Ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, ces salariés se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et sont amenés à subir des contrôles et des examens réguliers propres à réactiver cette angoisse (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 mai 2010, pourvoi n°09-42241, Bulletin 2010, V, n°106).
 
Par la suite, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a reconnu la possibilité pour un salarié justifiant d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d'agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 (arrêt du 5 avril 2019, pourvoi n°18-17442, publié au Bulletin).
 
Dans la lignée de l'arrêt du 5 avril 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation permet dorénavant aux salariés exposés à des substances nocives ou toxiques au cours de leur carrière professionnelle de demander réparation de leur préjudice d'anxiété, tels que des mineurs exposés à des poussières de charbon (arrêts du 11 septembre 2019, pourvois n°17-24979 à n°17-25623 ; pourvoi n°18-50030, publiés au Bulletin).
Les salariés de la Sncf sont ainsi concernés, dès lors qu'ils justifient d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave (pourvoi n°17-18311, publié au Bulletin).
De même pour les marins (pourvoi n°17-26879, publié au Bulletin).

Le 20 novembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a étendu cette solution au bénéfice du personnel de l'établissement public la Monnaie de Paris, lorsqu'ils justifient d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave (pourvoi n°18-19640, publié au Bulletin).

Elément constitutif de la pathologie déclarée par un salarié inscrite au tableau des maladies professionnelles


Dans un arrêt du 19 septembre 2019 (pourvoi nº18-19993), la 2e chambre civile de la Cour de cassation rappelle que « les modalités de constat du déficit audiométrique sont un élément constitutif de la maladie inscrite à ce tableau et qu'il appartient à la caisse de démontrer que la pathologie déclarée est conforme à celle décrite au tableau ».

L'article L. 461-1, alinéa 2, du Code de la sécurité sociale prévoit :
« Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. »

Lorsque le tableau des maladies professionnelles pose une condition de diagnostic, celui-ci doit nécessairement être réalisé selon les critères posés. A défaut, la maladie professionnelle ne peut pas être reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie.

Dans cette affaire, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles (atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels), une pathologie déclarée par un salarié.

Le diagnostic de cette hypoacousie est établi :
- par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;
- en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du reflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.

L'entreprise embauchant ce salarié a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision, arguant que le tableau n°42 prévoit une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer une hypoacousie par lésion irréversible et qu'il résulte de la condition tenant à la nature des travaux susceptibles d'exposer le salarié à un tel risque que ce dernier doit effectuer lui-même les travaux énoncés au tableau.

La Cour de cassation précise que « le tableau n°42 des maladies professionnelles subordonne la prise en charge des pathologies auditives qu'il décrit à l'exposition aux bruits lésionnels provoqués par les travaux qu'il énumère limitativement, sans exiger que la victime ait personnellement effectué ceux-ci ».

En effet, le salarié s'était trouvé habituellement exposé aux bruits de travaux sur métaux tels que décrits au tableau n°42 des maladies professionnelles dans l'atelier dans lequel il était affecté au sein de la société, la condition relative à l'exposition au risque étant ainsi remplie.

Toutefois, la cour d'appel n'a pas recherché si le diagnostic d'hypoacousie avait été réalisé dans des conditions conformes aux exigences du tableau n°42 des maladies professionnelles, alors que les modalités de constat du déficit audiométrique sont un élément constitutif de la maladie inscrite à ce tableau et qu'il appartient à la caisse de démontrer que la pathologie déclarée est conforme à celle décrite au tableau.

La Cour de cassation a donc censuré l'arrêt de la cour d'appel.

La décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne pouvait pas être opposable à l'employeur, en l'absence de diagnostic réalisé dans les conditions exigées par le tableau n°42.

Tout salarié exposé à l'amiante peut être indemnisé au titre du préjudice d'anxiété


Dans un arrêt du 5 avril 2019 (pourvoi n°18-17442, Société Electricité de France c/ Monsieur L. K.), l'Assemblée plénière de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en reconnaissant qu'un salarié exposé à l'amiante peut demander la réparation du préjudice d'anxiété sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur.


Le préjudice d'anxiété :
La loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite : l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (ACAATA).

Dans un arrêt du 11 mai 2010 (pourvoi n°09-42241), la chambre sociale de la Cour de cassation a admis, pour les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

Dans des arrêts des 3 mars 2015 (pourvoi n°13-26175), 26 avril 2017 (pourvoi n°15-19037), 21 septembre 2017 (pourvoi n°16-15130), la chambre sociale de la Cour de cassation a exclu du bénéfice de cette réparation les salariés exposés à l'amiante ne remplissant pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 ou dont l'employeur n'était pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.


Le contentieux concernant des salariés ne relevant pas des dispositions de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 :
L'importance de ces procédures a amené le premier président, en accord avec la chambre sociale, à saisir l'Assemblée plénière, afin de permettre un réexamen complet de la question de la réparation du préjudice d'anxiété des salariés exposés à l'amiante.


Les faits :
Monsieur L. K. a été employé par la société Electricité de France en qualité de rondier, chaudronnier et technicien, au sein de la centrale de Saint-Ouen.
Estimant avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante durant son activité professionnelle, il a saisi le conseil de prud'hommes, afin d'obtenir des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.


L'arrêt du 29 mars 2018 rendu par la cour d'appel de Paris :
La cour d'appel a déclaré Monsieur L. K. recevable en sa demande et a condamné la société Electricité de France à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, aux motifs que le demandeur justifie par les pièces qu'il produit d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante et que l'exposition du salarié à l'amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'elle prétend avoir mises en œuvre.
Pour la juridiction d'appel, ce préjudice résultant de l'inquiétude permanente, éprouvée face au risque de déclaration à tout moment de l'une des maladies mortelles liées à l'inhalation de fibres d'amiante, revêt comme tout préjudice moral un caractère intangible et personnel, voire subjectif.


L'élargissement de l'indemnisation du préjudice d'anxiété par l'arrêt du 5 avril 2019 rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation :
L'Assemblée plénière reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d'agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998.


Les obligations de l'employeur en matière de sécurité :
L'Assemblée plénière reprend les termes de la jurisprudence de la chambre sociale en matière d'obligation de sécurité de l'employeur issus de l'arrêt Air France du 25 novembre 2015 (pourvoi n°14-24444).
L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il a mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail sur le fondement des principes généraux de prévention.
Les juges du fond doivent évaluer le comportement de l'employeur, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu'il aurait dû connaître.
En l'occurrence, la cour d'appel avait estimé que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité était établi par la justification, par le salarié, de son exposition à l'amiante, sans que l'employeur puisse être admis à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'il prétendait avoir mises en œuvre.
Ce raisonnement, fondé sur la jurisprudence antérieure à l'arrêt Air France, est censuré par l'Assemblée plénière qui rappelle que la cour d'appel aurait dû examiner les éléments de preuve produits par l'employeur.


L'application du droit commun de la responsabilité civile :
La décision de la cour d'appel est également censurée, aux motifs que, pour allouer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, elle s'est déterminée par des motifs généraux, sans caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.

Instruction des déclarations d'accidents du travail et de maladies professionnelles du régime général


Le décret n°2019-356 du 23 avril 2019 relatif à la procédure d'instruction des déclarations d'accidents du travail et de maladies professionnelles du régime général refond la procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui soumet le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et son employeur à une instruction diligentée par l'Assurance maladie risques professionnels.

Ce décret renforce l'information des parties sur les différentes étapes de l'instruction et aménage une phase de consultation et d'enrichissement du dossier.


Pour les accidents du travail :
La déclaration de l'accident à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les 24 heures.
Elle doit être envoyée, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, et non plus uniquement par lettre recommandée avec avis de réception.

Lorsque la déclaration de l'accident émane de l'employeur, celui-ci dispose d'un délai de 10 jours francs à compter de la date à laquelle il l'a effectué pour émettre des réserves motivées auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

La CPAM dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle reçoit la déclaration d'accident pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations.

Le délai d'instruction en cas de réserves motivées de l'employeur - et, par suite, d'investigations complémentaires conduites par la caisse - demeure fixé à 3 mois.


Pour les maladies professionnelles :
Le décret distingue deux procédures assorties d'un délai de 4 mois, selon que la demande relève du dispositif des tableaux de maladies professionnelles ou de la voie complémentaire faisant intervenir les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

La CPAM engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
Le questionnaire est retourné dans un délai de 30 jours francs à compter de sa date de réception.
La CPAM peut en outre recourir à une enquête complémentaire.


Ces nouvelles procédures s'appliqueront aux accidents du travail et aux maladies professionnelles déclarés à compter du 1er décembre 2019.