Dans un arrêt du 5 avril 2019 (pourvoi n°18-17442, Société Electricité de France c/ Monsieur L. K.), l'Assemblée plénière de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en reconnaissant qu'un salarié exposé à l'amiante peut demander la réparation du préjudice d'anxiété sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur.
Le préjudice d'anxiété :
La loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite : l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (ACAATA).
Dans un arrêt du 11 mai 2010 (pourvoi n°09-42241), la chambre sociale de la Cour de cassation a admis, pour les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.
Dans des arrêts des 3 mars 2015 (pourvoi n°13-26175), 26 avril 2017 (pourvoi n°15-19037), 21 septembre 2017 (pourvoi n°16-15130), la chambre sociale de la Cour de cassation a exclu du bénéfice de cette réparation les salariés exposés à l'amiante ne remplissant pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 ou dont l'employeur n'était pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Le contentieux concernant des salariés ne relevant pas des dispositions de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 :
L'importance de ces procédures a amené le premier président, en accord avec la chambre sociale, à saisir l'Assemblée plénière, afin de permettre un réexamen complet de la question de la réparation du préjudice d'anxiété des salariés exposés à l'amiante.
Les faits :
Monsieur L. K. a été employé par la société Electricité de France en qualité de rondier, chaudronnier et technicien, au sein de la centrale de Saint-Ouen.
Estimant avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante durant son activité professionnelle, il a saisi le conseil de prud'hommes, afin d'obtenir des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.
L'arrêt du 29 mars 2018 rendu par la cour d'appel de Paris :
La cour d'appel a déclaré Monsieur L. K. recevable en sa demande et a condamné la société Electricité de France à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, aux motifs que le demandeur justifie par les pièces qu'il produit d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante et que l'exposition du salarié à l'amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'elle prétend avoir mises en œuvre.
Pour la juridiction d'appel, ce préjudice résultant de l'inquiétude permanente, éprouvée face au risque de déclaration à tout moment de l'une des maladies mortelles liées à l'inhalation de fibres d'amiante, revêt comme tout préjudice moral un caractère intangible et personnel, voire subjectif.
L'élargissement de l'indemnisation du préjudice d'anxiété par l'arrêt du 5 avril 2019 rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation :
L'Assemblée plénière reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d'agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998.
Les obligations de l'employeur en matière de sécurité :
L'Assemblée plénière reprend les termes de la jurisprudence de la chambre sociale en matière d'obligation de sécurité de l'employeur issus de l'arrêt Air France du 25 novembre 2015 (pourvoi n°14-24444).
L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il a mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail sur le fondement des principes généraux de prévention.
Les juges du fond doivent évaluer le comportement de l'employeur, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu'il aurait dû connaître.
En l'occurrence, la cour d'appel avait estimé que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité était établi par la justification, par le salarié, de son exposition à l'amiante, sans que l'employeur puisse être admis à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'il prétendait avoir mises en œuvre.
Ce raisonnement, fondé sur la jurisprudence antérieure à l'arrêt Air France, est censuré par l'Assemblée plénière qui rappelle que la cour d'appel aurait dû examiner les éléments de preuve produits par l'employeur.
L'application du droit commun de la responsabilité civile :
La décision de la cour d'appel est également censurée, aux motifs que, pour allouer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, elle s'est déterminée par des motifs généraux, sans caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.
Le préjudice d'anxiété :
La loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite : l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (ACAATA).
Dans un arrêt du 11 mai 2010 (pourvoi n°09-42241), la chambre sociale de la Cour de cassation a admis, pour les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.
Dans des arrêts des 3 mars 2015 (pourvoi n°13-26175), 26 avril 2017 (pourvoi n°15-19037), 21 septembre 2017 (pourvoi n°16-15130), la chambre sociale de la Cour de cassation a exclu du bénéfice de cette réparation les salariés exposés à l'amiante ne remplissant pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 ou dont l'employeur n'était pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Le contentieux concernant des salariés ne relevant pas des dispositions de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 :
L'importance de ces procédures a amené le premier président, en accord avec la chambre sociale, à saisir l'Assemblée plénière, afin de permettre un réexamen complet de la question de la réparation du préjudice d'anxiété des salariés exposés à l'amiante.
Les faits :
Monsieur L. K. a été employé par la société Electricité de France en qualité de rondier, chaudronnier et technicien, au sein de la centrale de Saint-Ouen.
Estimant avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante durant son activité professionnelle, il a saisi le conseil de prud'hommes, afin d'obtenir des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.
L'arrêt du 29 mars 2018 rendu par la cour d'appel de Paris :
La cour d'appel a déclaré Monsieur L. K. recevable en sa demande et a condamné la société Electricité de France à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, aux motifs que le demandeur justifie par les pièces qu'il produit d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante et que l'exposition du salarié à l'amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'elle prétend avoir mises en œuvre.
Pour la juridiction d'appel, ce préjudice résultant de l'inquiétude permanente, éprouvée face au risque de déclaration à tout moment de l'une des maladies mortelles liées à l'inhalation de fibres d'amiante, revêt comme tout préjudice moral un caractère intangible et personnel, voire subjectif.
L'élargissement de l'indemnisation du préjudice d'anxiété par l'arrêt du 5 avril 2019 rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation :
L'Assemblée plénière reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d'agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998.
Les obligations de l'employeur en matière de sécurité :
L'Assemblée plénière reprend les termes de la jurisprudence de la chambre sociale en matière d'obligation de sécurité de l'employeur issus de l'arrêt Air France du 25 novembre 2015 (pourvoi n°14-24444).
L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il a mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail sur le fondement des principes généraux de prévention.
Les juges du fond doivent évaluer le comportement de l'employeur, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu'il aurait dû connaître.
En l'occurrence, la cour d'appel avait estimé que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité était établi par la justification, par le salarié, de son exposition à l'amiante, sans que l'employeur puisse être admis à s'exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu'il prétendait avoir mises en œuvre.
Ce raisonnement, fondé sur la jurisprudence antérieure à l'arrêt Air France, est censuré par l'Assemblée plénière qui rappelle que la cour d'appel aurait dû examiner les éléments de preuve produits par l'employeur.
L'application du droit commun de la responsabilité civile :
La décision de la cour d'appel est également censurée, aux motifs que, pour allouer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, elle s'est déterminée par des motifs généraux, sans caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.