Effets de la faute inexcusable reconnue par une décision de justice


Dans un arrêt du 4 avril 2019 (pourvoi n°17-16649), la 2e chambre civile de la Cour de cassation affirme, au visa des articles L. 452-1 à L. 452-3 et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, que « la faute inexcusable de l'employeur ne pouvant être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle, il s'ensuit que l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue par une décision irrévocable, dans une instance à laquelle l'organisme social était appelé, n'est pas fondé à contester ultérieurement le caractère professionnel de cette maladie à l'appui d'une demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de celle-ci au titre de la législation professionnelle ».

En 1987, un salarié a effectué une déclaration de maladie professionnelle en produisant un certificat médical initial faisant état d'une asbestose [maladie chronique des poumons] qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre du tableau n°30 A des maladies professionnelles [affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante - A. asbestose].

En 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur prescrite mais recevable sur le fondement de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, a dit que sa maladie était due à la faute inexcusable de la société et qu'en application du paragraphe IV de ce texte, la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale supporterait la charge définitive des prestations, rentes et indemnités allouées.

En 2006, un certificat médical d'aggravation a diagnostiqué un mésothéliome malin.

Le salarié étant décédé au cours de l'année 2006, ses ayants droit ont effectué une nouvelle déclaration de maladie professionnelle.

En 2007, la caisse primaire d'assurance maladie ayant pris en charge l'affection déclarée au titre du tableau n°30 D des maladies professionnelles [maladie chronique des poumons] qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre du tableau n°30 A des maladies professionnelles [affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante - D. mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde], ses ayants droit ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur.

A l'occasion de cette instance, l'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de 2007 en soutenant le non-respect du contradictoire au cours de l'instruction.

En 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie.

En appel, au soutien de sa demande en inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie, l'employeur a contesté le caractère professionnel de la maladie en cause et du décès.

En 2011, la cour d'appel a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de 2010, sauf en ce qui concerne la nature du fondement juridique de la recevabilité de l'action et l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

En 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a dit que les ayants droit étaient recevables en leur action par application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 et que la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale supporterait définitivement les sommes allouées aux ayants droit, et que la caisse primaire d'assurance maladie ferait l'avance des sommes allouées sans recours possible envers l'employeur.

La Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

En 2014, la cour d'appel de Douai a déclaré irrecevable la prétention formée par l'employeur tendant à lui faire déclarer inopposable la décision par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie avait pris en charge, au titre du tableau n°30 D des maladies professionnelles, le mésothéliome malin dont avait été atteint le salarié.


En 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de l'employeur d'inopposabilité de la décision de prise en charge de 2007 et en ce qu'il a confirmé la disposition du jugement autorisant la caisse primaire d'assurance maladie à poursuivre à l'encontre de l'employeur le recouvrement de l'avance des indemnisations accordées aux ayants droit, l'arrêt rendu en 2014.

La Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

En 2017, la cour d'appel de Douai a déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de 2007, au motif que le caractère professionnel de l'affection déclarée n'est pas établi au regard des conditions fixées par le tableau n°30 D des maladies professionnelles.

La Cour de cassation censure cet arrêt, aux motifs qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que la faute inexcusable de l'employeur avait été reconnue par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de 2010 confirmé par le dispositif de l'arrêt de 2011 de la cour d'appel de Douai, non-atteint par la cassation avec renvoi de 2012.

Dès lors, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 452-1 à L. 452-3 et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale.