Qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique


Dans un arrêt du 28 novembre 2018 (pourvoi n°17-20079), la chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée pour la première fois sur la qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique.

Dans cette affaire, la société Take Eat Easy utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le biais de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d'indépendant.

A la suite de la diffusion d'offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, un coursier a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d'auto-entrepreneur.
Un contrat de prestation de services a été conclu entre le coursier et la société Take Eat Easy.

Le coursier a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel se sont déclarés incompétents pour connaître de cette demande.
La liquidation judiciaire de la société Take it easy a été prononcée entre temps et le liquidateur a refusé d'inscrire au passif de la liquidation les demandes du coursier en paiement des courses effectuées.

La Cour de cassation a ainsi dû se prononcer sur l'existence ou non d'un lien de subordination unissant le coursier à la plate-forme numérique.

Il convient de préciser que l'article L. 111-7l, I-2°, du Code de la consommation définit l'opérateur de plate-forme en ligne comme étant toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public reposant notamment sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service.

La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a prévu des garanties minimales pour protéger la nouvelle catégorie des travailleurs utilisant une plate-forme de mise en relation par voie électronique, sans pour autant préciser leur statut juridique.

Dans sa décision du 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, d'une part, que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, et d'autre part, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'occurrence, l'application de la société Take Eat Easy était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci.
En outre, la société Take Eat Easy disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du coursier par le biais d'un système de bonus et de malus évocateur.

Dès lors, il existait un pouvoir de direction et de contrôle de l'exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination.