Exercice d’une activité sportive pendant un arrêt maladie

  

Dans un arrêt du 1er février 2023 (pourvoi n°21-20526, inédit), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que l’exercice par une salarié d’une activité sportive, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, sans aggravation de son état de santé, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt maladie.

 

Le 29 septembre 2006, un opérateur de contrôle a été embauché par l’EPIC Régie autonome des transports parisiens (la RATP).

 

L’agent de la RATP a été placé en arrêt de travail pour maladie entre octobre 2016 et novembre 2017.

 

Au cours de ses cinq arrêts de travail prescrits pour des douleurs aux poignets, au bras et/ou au cou, il a participé à 14 compétitions de badminton.

 

Le 7 décembre 2017, l’agent de la RATP a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 21 décembre 2017.

 

Le salarié a été convoqué à un conseil de discipline du 2 février 2018 et a été révoqué le 13 février 2018 pour faute grave (manquement à l’obligation d’exécuter son contrat de travail de bonne foi et manquement à son obligation de loyauté).

 

Il est reproché au salarié d’avoir participé, alors qu’il était en arrêt de travail pour maladie, à des compétitions de badminton.

 

En effet, si la maladie entraîne la suspension du contrat de travail, le salarié reste néanmoins tenu envers son employeur à une obligation de loyauté.

 

Contestant sa révocation, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de PARIS.

 

Par jugement du 27 mai 2019 (RG n°18/06415), la formation paritaire du conseil de prud’hommes de PARIS l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

 

Le salarié a interjeté appel de ce jugement le 10 octobre 2019.

 

Par arrêt du 9 juin 2021 (RG n°19/10260), la cour d’appel de PARIS s’est notamment prononcée sur la révocation du salarié.

 

Elle rappelle que « la révocation d’un agent de la RATP, prononcée sans que l’une des causes limitativement énoncées par le statut du personnel soit constituée, est dépourvue de cause réelle et sérieuse, mais n’est pas atteinte, pour cette seule raison, de nullité en l’absence de disposition légale ou statutaire prévoyant cette sanction ».

 

Le salarié ne conteste pas sa participation à des compétitions de badminton, mais fait valoir qu’il ignorait que cette activité lui était interdite pendant son arrêt de travail.

 

La cour d’appel de PARIS précise que « l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ».

 

La notion d’obligation de loyauté, définie par les juges, s’apprécie in concreto et repose sur l’objectif de ne pas nuire à l’employeur.

 

La juridiction du second degré ajoute que « pour fonder un licenciement, l’acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise ».

 

En l’occurrence, la RATP n’établit pas que la participation du salarié aux compétitions de badminton lui aurait porté préjudice.

 

Les juges du second degré précise que « le seul fait de verser au salarié des indemnités en raison de son arrêt de travail ne suffit pas à caractériser un préjudice pour l’employeur ».

 

En l’espèce, l’activité sportive du salarié n’était pas rémunérée.

 

En outre, les juges du second degré relèvent qu’il n’est pas démontré que la participation aux compétitions de badminton aurait eu pour conséquence d’aggraver l’état de santé du salarié et de prolonger ses arrêts de travail.

 

La juridiction du second degré en a déduit que la participation régulière du salarié à des compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail ne caractérisait pas un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail.

 

Par conséquent, la cour d’appel de PARIS a jugé que la participation du salarié à des compétitions de badminton n’était pas constitutive d’une faute grave.

 

Il s’en déduit que la révocation du salarié n’est pas nulle mais est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

 

La juridiction du second degré a ainsi fait droit aux demandes du salarié au titre de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité légale de licenciement.

 

Elle a également alloué au salarié la somme de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation sans cause réelle et sérieuse, « compte tenu de l’effectif de l’entreprise, du montant de la rémunération versée au salarié, (2.797,22 euros), de son âge, de son ancienneté (11 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies ».

 

Aussi, la cour d’appel de PARIS a infirmé le jugement du 10 octobre 2019.

 

La RATP a alors formé un pourvoi en cassation.

 

Dans un arrêt du 1er février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a apprécié les activités du salarié au cours de son arrêt de travail pour maladie afin de savoir si elles constituaient ou non une violation de l’obligation de loyauté envers son employeur.

 

La Cour de cassation affirme que « l’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ».

 

Elle rappelle la nécessité d’un préjudice : « pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise ».

 

La Cour de cassation reprend la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de PARIS sur l’absence de caractérisation du préjudice : « ce préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés ».

 

Dès lors que la participation à des compétitions de badminton n’a pas aggravé l’état de santé du salarié ou n’a pas prolongé ses arrêts de travail, il n’est pas établi que cette activité sportive aurait causé un préjudice à l’employeur.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel qui « a exactement déduit que ces faits ne caractérisaient pas un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail et n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ».

 

Par conséquent, la Haute Juridiction a rejeté les pourvois.

 

 

Un rapprochement de cette décision peut être effectué avec un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 février 2019 (pourvoi n°17-18912, publié au Bulletin).

 

Dans ce dernier arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que « pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté ».

 

En l’occurrence, un basketteur professionnel a été embauché pour les saisons 2013, 2014, 2015 et 2016.

 

Entre les mois de février et juin 2015, le basketteur professionnel a été placé en arrêt de travail consécutif à un accident du travail constitué par une blessure des muscles abdominaux.

 

Par lettre recommandé du 28 mai 2015 avec demande d’accusé de réception, l’employeur a demandé au basketteur professionnel de reprendre ses séances de kinésithérapie qui font partie intégrante de ses obligations de joueur professionnel.

 

Cette lettre a été retournée par La Poste avec la mention « pli avisé et non réclamé », ce qui démontre que le salarié, loin d’avoir passé un simple week-end prolongé chez ses parents comme il le soutient, avait été durablement absent de son domicile.

 

Selon l’article 12.3 de la convention collective nationale du sport, l’objet même du contrat de travail du sportif professionnel comporte la mise à disposition de son employeur, contre rémunération, de ses compétences, de son potentiel physique et de ses acquis techniques et tactiques, le temps de préparer et de réaliser une performance sportive dans le cadre d’une compétition ou d’un spectacle sportif.

 

La convention collective de la branche du basket du 12 juin 2005, précise à ce sujet, en son article 8.2 - Objet du contrat, que le contrat est conclu pour l’activité de joueur de basket dans les compétitions professionnelles, ce qui implique la participation du joueur à toutes activités sportives, matches, entraînements, stages permettant le maintien de l’état physique permettant l’exercice normal du sport de compétition.

 

L’article 10.1 - Obligations du joueur de cette même convention collective ajoute que le joueur s’engage à soigner sa condition physique, doit respecter strictement les instructions de tout membre de la direction technique du club dûment habilité et le plan de préparation physique, et s’engage à adopter l’hygiène de vie qui s’impose à sa profession sportive.

 

Cette spécificité du métier de sportif professionnel, confirmée par le fait que l’employeur a maintenu l’intégralité de la rémunération durant les périodes d’arrêt, oblige le salarié à la fois à s’astreindre à une préparation physique adaptée et, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.

 

Cette dernière obligation subsiste même durant la période d’arrêt de travail consécutive à un accident du travail.

 

Estimant que le basketteur professionnel a manqué à cette obligation en n’honorant pas le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant et en ne demeurant pas à la disposition du kinésithérapeute pour suivre ce protocole de soins, l’employeur l’a convoqué le 15 juin 2015 à un entretien préalable prévu le 25 juin 2015.

 

Le 30 juin 2015, le salarié a été licencié pour faute grave.

 

Dans un arrêt du 30 mars 2017 (RG N°16/00445), la cour d’appel de DIJON a jugé que l’obligation pour le sportif professionnel née d’une disposition de son contrat de travail selon laquelle « Le joueur devra soigner sa condition physique pour obtenir le meilleur rendement possible dans son activité. Il devra respecter strictement les instructions de tout membre de l’encadrement technique et du président du Club. » et des articles 10.1 et 8.2 de la convention collective de la branche du basket de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique en cas de blessure subsistait même durant la période d’arrêt de travail consécutive à un accident du travail.

 

En l’espèce, les juges du second degré ont retenu que la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.

 

Or, ils ont constaté que pendant la période d’arrêt de travail consécutive à son accident du travail, le basketteur professionnel n’avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe.

 

En outre, le basketteur professionnel n’était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins.

 

La juridiction du second degré a estimé que le suivi des soins était d’autant plus impérieux que le salarié souffrait depuis plusieurs mois de douleurs abdominales suffisamment importantes et récurrentes pour, selon les articles de presse qu’il communique, affecter gravement ses performances sportives alors qu’il était jusque-là le meilleur rebondeur de l’équipe.

 

Les juges du fond ont également retenu que dans la mesure où le contrat de travail du basketteur professionnel devait s’exécuter durant encore une saison, son employeur pouvait légitimement s’inquiéter de son retour durable à son meilleur niveau dans des conditions propres à prévenir toute rechute.

 

Dans ce contexte, les manquements du salarié, notamment à son obligation de loyauté, ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

 

La Cour de cassation a approuvé cette décision.