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Mise à la retraite d'un salarié protégé


Dans une décision n°403890 du 13 février 2019, le Conseil d'État, 4e et 1e chambres réunies, apporte des précisions sur les règles applicables à la mise à la retraite d'un salarié protégé.

Un salarié protégé, qui avait atteint l'âge de soixante-dix ans, a été mis à la retraite d'office par l'association de gestion des fonds salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME), après autorisation par l'inspectrice du travail de la section 10B de l'unité territoriale de Paris par décision du 22 septembre 2014.

Ce salarié a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 septembre 2014.
Par un jugement n°1427977 du 16 juin 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.
L'AGEFOS-PME a relevé appel de ce jugement.
Par un arrêt n°15PA03238 du 29 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 16 juin 2015 en tant qu'il statue sur les frais irrépétibles demandés par le salarié et rejeté le surplus des conclusions de l'AGEFOS-PME.

L'AGEFOS-PME s'est pourvue en cassation contre les articles 2 à 4 de l'arrêt du 29 juillet 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre le jugement du 16 juin 2015 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il annule pour excès de pouvoir cette décision du 22 septembre 2014.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1237-5, alinéa 1er, du Code du travail :
« La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du Code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas. »

En vertu du Code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle.

Par suite, dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé est présentée, par l'employeur, au titre de l'article L. 1237-5 du Code du travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée.

Il incombe également à l'inspecteur du travail d'apprécier la régularité de la procédure de mise à la retraite de ce salarié, au regard de l'ensemble des règles applicables, au nombre desquelles figurent, d'une part, les garanties de procédure prévues par le Code du travail en cas de licenciement d'un salarié protégé, lesquelles s'appliquent aussi à la mise à la retraite d'un salarié protégé et, d'autre part, le cas échéant, les stipulations d'accords collectifs de travail applicables à la mise à la retraite des salariés.

En l'occurrence, le Conseil d'État a relevé qu'en jugeant que l'inspectrice du travail, saisie d'une demande de mise à la retraite d'un salarié protégé, devait vérifier la régularité de la procédure suivie par l'employeur au regard, notamment, des stipulations de l'accord d'entreprise du 7 février 1997 qui étaient applicables en cas de licenciement, sans rechercher si ces stipulations étaient également applicables à la mise à la retraite d'un salarié protégé, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Dès lors, l'AGEFOS-PME est fondée à demander l'annulation des articles 2 à 4 de l'arrêt attaqué.

Le Conseil d'État s'était déjà prononcé sur le rôle de l'inspecteur du travail dans une décision n°134963 et n°135249 du 8 février 1995 (Ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et Crédit Lyonnais) : l'inspecteur du travail doit vérifier, d'une part, si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, et, d'autre part, si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies.
Pour refuser l'autorisation sollicitée, l'inspecteur du travail a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général, relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

De même, le Conseil d'État a rappelé que les formalités relatives à l'entretien préalable devaient être remplies, puisque la demande d'autorisation à l'inspection du travail doit donc être précédée d'une convocation à entretien préalable dans les formes et les délais légaux. A défaut, celle-ci peut être refusée ou annulée (décision n°304027 du 17 juin 2009, Société du Crédit du Nord).

Enfin, lorsque le mandat du salarié le nécessite, l'employeur doit consulter le comité d'entreprise - désormais le comité social et économique - et permettre à ce dernier de vérifier si le salarié remplit bien les conditions pour bénéficier d'une pension à taux plein (décision n°335755 du 26 octobre 2011, Société Total).

La réintégration dans l'entreprise d'un salarié ayant liquidé ses droits à la retraite est impossible


Dans un arrêt du 14 novembre 2018 (pourvoi n°17-14932), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle qu'un salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur et qui fait ensuite valoir ses droits à la retraite ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent.

En l'occurrence, un officier pilote de ligne a été engagé le 11 novembre 1975 par la société Air France.
Il exerçait en dernier lieu les fonctions de commandant de bord.
Par lettre du 25 septembre 2009, l'employeur a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail en application des dispositions des articles L. 421-9 et suivants du Code de l'aviation civile, le salarié ayant atteint la limite d'âge prévue le 13 août 2009 et les recherches de reclassement menées parmi les emplois au sol étant infructueuses.

Le salarié a demandé sa réintégration dans l'entreprise à un poste au sol et le paiement d'une indemnité correspondant aux salaires et congés payés afférents pour la période du 25 août 2009 au 15 novembre 2016, somme qui sera incrémentée au prorata temporis, à compter du 15 novembre 2016 jusqu'à la date de sa réintégration effective, aux motifs que lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent.

La cour d'appel a débouté le salarié car il avait fait valoir ses droits à la retraite au 1er avril 2010 et qu'ainsi « le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ».

La Cour de cassation valide cette décision. Pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur. Il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent.

Il s'agit d'une jurisprudence constante, avec notamment l'arrêt du 9 juillet 2015 de la chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n°14-12834).