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La position des cours d'appel sur le barème d'indemnisation

Suite aux deux avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019 sur la conventionnalité du barème d'indemnisation, les cours d'appel se sont positionnées différemment.

Il convient de rappeler que les avis de la Cour de cassation ne lient pas les juges.

Les cours d'appel de Paris et de Reims ont été les premières juridictions du second degré à se prononcer suite à ces avis.

La cour d'appel de Paris a validé l'application du barème d'indemnisation (CA Paris, ch. 6-3, 18 septembre 2019, n°17/06676), puis a précisé que « le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l'ancienneté du salarié et de l'effectif de l'entreprise gardant une marge d'appréciation » (CA Paris, ch. 6-8, 30 octobre 2019, n°16/05602).

Quant à la cour d'appel de Reims, elle a admis que le juge puisse exercer un contrôle in concreto du barème d'indemnisation et, le cas échéant, l'écarter. Il revient au salarié de demander aux juges d'exercer ce contrôle, car ces derniers ne peuvent l'exercer d'office (CA Reims, ch. soc., 25 septembre 2019, n°19/00003).

Par la suite, la cour d'appel de Colmar s'est alignée sur les avis de la Cour de cassation (CA Colmar, 4e ch. B, 28 janvier 2020, n°19/00218), motivant sa décision pour rejeter la demande de la salariée comme suit :

« Cependant, les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, sont, en soi, compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT. En outre, les dispositions précitées de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne sont pas, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par ladite Charte, d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Les décisions du Comité européen des droits sociaux ou celles des autres juridictions interne n'ont pas d'effet contraignant. Enfin, les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l'indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur droit à un procès équitable. »

Le barème d'indemnisation est compatible avec la Convention n°158 de l'OIT


Dans deux avis n°15012 et 15013 du 17 juillet 2019, la formation plénière de la Cour de cassation s'est prononcée le 17 juillet 2019 sur les demandes d'avis n°19-70010 et 19-70011 formulées par les conseils de prud'hommes de Louviers et de Toulouse, relatives à la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail, dans leur rédaction postérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, que le Conseil constitutionnel avait déjà déclarées conformes à la Constitution (décision n°2018-761 DC du 21 mars 2018).

L'article L. 1235-3 du Code du travail prévoit notamment, pour un salarié ayant une année complète d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut.

Sur les dix-huit conseils de prud'hommes saisis de cette question, six d'entre eux ont appliqué le barème (les conseils de prud'hommes de Caen et de Grenoble ont appliqué le barème en précisant qu'il pourrait être écarté « en présence d'un préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l'application du barème ») et les douze autres en ont écarté l'application au motif de son inconventionnalité.

La Cour de cassation a d'abord vérifié la compatibilité de l'article L. 1235-3 du Code du travail à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Si le procès prud'homal est soumis aux exigences de l'article 6, § 1, précité et si le droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est un droit à caractère civil au sens de la Convention, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'il convient de distinguer entre ce qui est d'ordre procédural et ce qui est d'ordre matériel, cette distinction déterminant l'applicabilité et, le cas échéant, la portée des garanties de l'article 6 de la Convention, lequel, en principe, ne peut s'appliquer aux limitations matérielles d'un droit consacré par la législation interne.
Dès lors, l'article L. 1235-3 du Code du travail, qui limite le droit matériel des salariés quant au montant de l'indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constitue pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte que ce texte n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, précité.

La Cour de cassation a ensuite vérifié la compatibilité de l'article critiqué à l'article 24 de la Charte sociale européenne.
Cette Charte n'est pas d'effet direct.
En effet, la Partie II de la Charte et l'article 24 laissent une trop importante marge d'appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s'en prévaloir dans le cadre d'un litige devant les juridictions judiciaires nationales.

La Cour de cassation a enfin estimé que l'article 10 de la Convention n°158 sur le licenciement de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), était d'application directe en droit interne.
Selon l'article 10 de la Convention précitée, « Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux États parties une marge d'appréciation.
En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du même code.
Il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT, l'État n'ayant fait qu'user de sa marge d'appréciation.

Barème d’indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse


L'article L. 1235-3 du Code du travail fixe le régime d'indemnisation des salariés pour les licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse. Les indemnités sont déterminées en fonction des montants minimum et maximum prévus par la loi et de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Toutefois, pour les entreprises de moins de onze salariés, la loi se limite à fixer une indemnisation minimale, progressive selon l'ancienneté du salarié.

Néanmoins, certains conseils de prud'hommes ont refusé d'appliquer le barème d'indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aussi, dans une circulaire du 26 février 2019 (n°C3/201910006558), le Directeur des Affaire Civiles et du Sceau (DACS) a demandé aux procureurs généraux près les cours d'appel de l'informer des décisions rendues au sein de leur ressort, qu'elles refusent d'appliquer ledit barème pour inconventionnalité avec l'article 10 de la Convention n°158 sur le licenciement de l'Organisation Internationale du Travail et l'article 24 de la charte sociale européenne, ou qu'elles écartent ce moyen.

Le Directeur des Affaire Civiles et du Sceau a demandé aux procureurs généraux de se faire communiquer celles de ces décisions ayant fait l'objet d'un appel, afin de pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l'avis du parquet général sur cette question d'application de la loi.