Analyse juridique du cheval artiste

 

Depuis 2022, je suis titulaire du Diplôme Universitaire de Droit Equin, mention Très Bien.

Dans le cadre de cette formation, j'ai rédigé un mémoire intitulé « Analyse juridique du cheval artiste », qui a été publié.

Il peut être consulté en cliquant sur le lien suivant : Analyse juridique du cheval artiste.

 

 

Analyse juridique du cheval artiste

Le salarié déclaré inapte ne peut pas être licencié pour un motif autre que l’inaptitude

  

Dans un arrêt du 8 février 2023 (pourvoi n°21-16258, publié au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation affirme qu’il résulte des dispositions d’ordre public des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail que, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important qu’il ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

 

Un salarié a été embauché à compter du 16 mai 1989 par une société de commerce de produits pour prothésistes, en qualité d’agent technico-commercial suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée.

 

Il a ensuite été promu aux fonctions de responsable de secteur, statut cadre, à compter du 1er juillet 1991.

 

Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 octobre 2016, renouvelé par la suite de façon continue jusqu’au 8 mars 2017, pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre des affections de longue durée.

 

Par courrier du 24 janvier 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, fixé au 7 février 2017, et l’a mis à pied à titre conservatoire dans cette attente.

 

A l’issue de la visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail a estimé le salarié inapte à son poste en un seul examen, au visa de l’article R. 4624-31 du Code du travail, et précisé que « le maintien du salarié à son poste ou dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ; en conséquence son reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe n’est pas envisageable ».

 

Précisons d’ores et déjà que depuis le 1er janvier 2017, une seule visite peut suffire à déclarer l’inaptitude du salarié. Sous la législation antérieure, le médecin du travail devait procéder à deux examens espacés de deux semaines avant de pouvoir rendre un avis d’aptitude ou d’inaptitude.

 

L’article L. 1226-2-1, alinéa 4, du Code du travail prévoit que « s’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II [Licenciement pour motif personnel] du titre III [Rupture du contrat de travail à durée indéterminée] du présent livre [Livre II : Le contrat de travail] ».

 

En conséquence, l’employeur ne peut recourir à la résiliation judiciaire pour rompre le contrat de travail du salarié déclaré inapte et qui a refusé le poste de reclassement proposé.

 

Seuls le licenciement ou la démission peuvent rompre le contrat de travail du salarié déclaré inapte.

 

Pour revenir au présent litige, l’employeur a procédé au licenciement du salarié pour faute lourde, par courrier du 16 février 2017.

 

Le 22 mars 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une contestation du licenciement, ainsi que de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la rupture et à l’exécution « à son sens déloyale » du contrat de travail par son employeur.

 

Suivant jugement du 4 septembre 2018 (RG n°F 17/0587), la formation paritaire du conseil de prud’hommes de BOURGOIN JALLIEU a condamné l’employeur à payer au salarié, entre autres, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité au titre de la mise à pied et le paiement des congés d’ancienneté.

 

La juridiction prud’homale a débouté l’employeur de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

 

Le 12 septembre 2018, le salarié a relevé appel du jugement.

 

Le 9 octobre 2018, l’employeur en a interjeté appel à son tour.

 

Le 18 octobre 2018, la jonction des deux procédures a été ordonnée.

 

Le 11 mars 2021 (RG n°18/03888), la cour d’appel de GRENOBLE a notamment confirmé le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail.

 

Selon la cour d’appel de GRENOBLE, l’employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, dès lors que ces motifs procèdent de faits distincts.

 

La juridiction du second degré estime ainsi que la circonstance que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi a été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas l’employeur de se prévaloir d’une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu’elle a estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire qu’elle avait initiée le 24 janvier 2017.

 

En conséquence, le salarié a été débouter de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail.

 

Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.

 

Il fait ainsi grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail et en ce qu’il condamne le salarié à payer à l’employeur 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, l’arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble.

 

Dans sa décision, la chambre sociale de la Cour de cassation vise les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

 

Il convient de préciser que les dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail régissent le licenciement du salarié inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident non professionnel et qui sont d’ordre public.

 

Selon les dispositions de l’article L. 1226-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4 du Code du travail, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

 

Selon les dispositions de l’article L. 1226-2-1, alinéa 2, du Code du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2 du Code du travail, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

 

Lorsqu’à la suite d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l’entreprise au terme d’une seule visite médicale de reprise, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s’appliquent.

 

Par conséquent, l’application de ces règles d’ordre public fait obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

 

Cela signifie qu’un licenciement pour faute ne peut pas être prononcé postérieurement à l’avis d’inaptitude définitive délivré par le médecin du travail.

 

Or, la cour d’appel de GRENOBLE a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R. 4624-22 du Code du travail en déboutant le salarié de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, alors même que le salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail.

 

Dès lors, la chambre sociale de la Cour de cassation retient que le salarié, déclaré inapte, ne pouvait pas être licencié pour un motif autre que l’inaptitude.

 

Quelques années auparavant, la chambre sociale de la Cour de cassation avait rendu, au visa des articles L. 1226-2, L. 1226-10, L. 1226-12 et R. 4624-22 du Code du travail, en leur rédaction applicable au litige, une décision à la solution similaire.

 

Dans son arrêt du 20 décembre 2017 (pourvoi n°16-14983, publié au Bulletin 2017, V, n°223), la chambre sociale de la Cour de cassation avait affirmé que dès lors que le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, la procédure liée à l’inaptitude doit s’appliquer jusqu’à son terme.

 

Aussi, la Cour de cassation avait déjà affirmé que dans ce cas-là, le salarié ne pouvait être licencié que pour inaptitude et impossibilité de reclassement, et qu’en conséquence, une procédure disciplinaire aboutissant à un licenciement pour faute grave n’était pas applicable au salarié déclaré inapte.

 

Néanmoins, la chambre sociale de la Cour de cassation a ensuite rendu des décisions contraires.

 

La première décision date du 15 septembre 2021 (pourvoi n°19-25613, publié au Bulletin).

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel qui avait jugé que le licenciement du salarié en tant qu’il est fondé sur un motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

La cour d’appel avait constaté que la cessation de l’activité de l’entreprise du fait du départ à la retraite de son dirigeant et de l’absence de repreneur était réelle.

 

Aussi, ayant eu connaissance de l’avis d’inaptitude le 24 mars 2017, l’employeur ne pouvait plus licencier le salarié le 25 mars 2017 pour motif économique et devait appliquer la législation d’ordre public relative au licenciement pour inaptitude prévue aux articles L. 1226-10 et suivants du Code du travail.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a alors fait grief à la cour d’appel d’avoir statué ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le motif économique du licenciement, non remis en cause par le salarié, ressortissait à la cessation définitive de l’activité de la société et qu’il n’était pas prétendu que la société appartenait à un groupe, ce dont se déduisait l’impossibilité de reclassement.

 

Auparavant, la chambre sociale de la Cour de cassation avait précisé, dans un arrêt du 14 mars 2000 (pourvoi n°98-41556, publié au Bulletin 2000, V, n°103 p. 80), que le licenciement pour motif économique était possible uniquement si l’employeur avait mis en place la procédure liée à l’inaptitude, notamment en respectant l’obligation de reclassement.

 

La seconde décision date du 26 octobre 2022 (pourvoi n°20-17501, publié au Bulletin).

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel qui avait prononcé la nullité du licenciement, puisqu’au moment de la notification du licenciement le 6 décembre 2017, l’employeur était informé de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et de ce que le médecin du travail était saisi par celui-ci en vue d’une reprise.

Dès lors, au moment de la notification du licenciement pour motif économique, l’employeur disposait d’éléments suffisants lui permettant de retenir que l’état de santé du salarié pourrait faire l’objet d’une inaptitude en lien avec l’activité professionnelle et que le véritable motif du licenciement était lié à l’état de santé du salarié.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a alors fait grief à la cour d’appel de ne pas avoir rechercher si la cessation d’activité de l’entreprise invoquée à l’appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause du licenciement.

Portée de la mention d’une rémunération nette dans le contrat de travail

 

Dans un arrêt du 14 décembre 2022 (pourvoi n°21-17171, inédit), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant, ni dans sa structure sans son accord.

 

Un agent d’entretien a été engagé, à compter du 23 février 2004, suivant deux contrats à durée déterminée successifs, puis par contrat à durée indéterminée, le 25 février 2005, par une société œuvrant dans le secteur d’activité des agences immobilières.

 

Les contrats de travail successifs ont fixé la rémunération mensuelle nette à 1.653 euros pour 39 heures de travail par semaine.

 

Le salarié a été licencié le 26 décembre 2016 pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude physique. 


Le 16 novembre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de BETHUNE, afin d’obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes et indemnités au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. 


Par jugement du 31 octobre 2018 (RG n°17/00580), la formation paritaire du conseil de prud’hommes a, entre autres, fixé la rémunération brute mensuelle à 2.146,75 euros, fixé à 13 années l’ancienneté du salarié et condamné l’ancien employeur au paiement de rappels de salaires, de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi, de la prime d’ancienneté, du reliquat d’indemnité de licenciement et sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. 


Le 7 novembre 2018, l’ancien employeur a interjeté appel de cette décision.

 

Le salarié a relevé appel incident de la décision.

 

Selon arrêt du 26 mars 2021 (RG n° 18/03394), la cour d’appel de DOUAI précise « qu’une telle mention du salaire en net dans un contrat de travail est peu courante » et retient que « la mention du salaire en net dans le contrat de travail, constitue une erreur de plume, ce qui a été compris comme tel par les deux parties durant les 13 années de leur collaboration. L’erreur matérielle n’étant pas créatrice de droit, [le salarié] ne peut prétendre à des rappels de salaires ou complément d’indemnité de licenciement ni davantage solliciter des dommages et intérêts à l’encontre de son ancien employeur, aucun comportement fautif n’étant mis en évidence ».

 

Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation, faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel de le débouter de sa demande de rappels de salaire et, en conséquence, d’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

 

Le salarié soutient que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, en application de l’article 1134 du Code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce.

 

Il ajoute que l’interprétation d’une clause contractuelle pour déterminer la commune intention des parties, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond, n’est autorisée que si la clause litigieuse est ambiguë.

 

En l’occurrence, les deux contrats de travail à durée déterminée et le troisième contrat à durée indéterminée, libellés de façon identique s’agissant de la rémunération, mentionnaient que le salarié percevrait une rémunération nette de 1.653 euros.

 

En effet, la clause stipulée dans les contrats de travail, claire et précise, était rédigée de la manière suivante :

« Rémunération : en rémunération de ses services, le salarié percevra chaque mois un salaire net forfaitaire de 1.653,00 euros ».

 

Pour autant, la cour d’appel de DOUAI a rejeté la demande de rappel de salaire formulée par le salarié, aux motifs qu’une telle mention du salaire net est peu courante dans un contrat de travail et que l’employeur n’a jamais versé au salarié, agent d’entretien, qui ne justifie pas des nombreuses réclamations alléguées, le salaire correspondant à la rémunération nette mentionnée dans le contrat de travail s’en tenant à la classification prévue par la convention collective de l’immobilier.

 

Les juges du fond ont interprété la clause des contrats de travail successifs relative à la rémunération comme une erreur de plume, non créatrice de droit, pour retenir que la somme mensuelle de 1.653 euros devait être considérée comme une somme brute mensuelle à verser au salarié.

 

Le salarié fait grief à la cour d’appel d’avoir interprété ainsi la clause litigieuse, alors que la clause contenue dans les trois contrats de travail relative à la rémunération mensuelle était claire et précise.

 

Dès lors, cette clause devait s’appliquer et ne pouvait donner lieu à interprétation.

 

Aussi, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ensemble l’article L. 1221-1 du Code du travail.

 

Pour rappel, l’article L. 1221-1 du Code du travail prévoit :

« Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter. »

 

Quant à l’article 1134 du Code civil, dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1er octobre 2016, il dispose :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

 

S’agissant plus spécifiquement de la rémunération, elle constitue un élément essentiel du contrat de travail pour le salarié.

 

Pour l’employeur, la rémunération constitue l’obligation principale issue du contrat de travail.

 

En conséquence, le montant et la structure de la rémunération contractuelle ne peuvent pas être modifiés sans l’accord du salarié.

 

Aussi, la jurisprudence considère que la modification unilatérale de la rémunération du salarié justifie nécessairement la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque les faits invoqués par le salarié la justifiaient.

 

Le fait que ces modifications entraînent une rémunération ou un mode de rémunération plus avantageux n’a aucune incidence sur la nécessité d’un accord express du salarié (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 janvier 1998, pourvoi n°95-40275, publié au Bulletin 1998, V, n° 40, p. 30, et arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 mai 1998, pourvoi n°96-41573, publié au Bulletin 1998, V, n°265, p. 202).

 

De la même manière, le fait que la modification de la rémunération contractuelle serait plus avantageuse pour le salarié n’a aucune incidence sur la nécessité d’un accord express du salarié (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 octobre 2010, pourvoi n°05-43530, inédit).

 

De même, il importe peu que le nouveau mode de rémunération soit sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 18 mai 2011, pourvoi n°09-69175, publié au Bulletin 2011, V, n°117).

 

Dans un arrêt du 5 mai 2010 (pourvoi n°07-45409, publié au Bulletin 2010, V, n°102), la chambre sociale de la Cour de cassation affirme que le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux.

 

Or, la cour d’appel, alors qu’elle avait constaté que l’employeur avait, sans recueillir l’accord du salarié, modifié sa rémunération contractuelle, ce dont elle devait déduire que la prise d’acte de la rupture par le salarié était justifiée n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 du Code civil et L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail, dans leur version applicable aux faits de l’espèce.

 

Par ailleurs, l’acceptation d’une modification de la rémunération contractuelle ne peut pas résulter de la seule poursuite du travail par le salarié (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 novembre 2005, pourvoi n°03-47560, inédit).

 

En effet, la jurisprudence précise que l’acceptation des bulletins de salaire et la poursuite de l’exécution du contrat de travail sans aucune réserve ne valent pas renonciation du salarié à réclamer un rappel de salaire (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 1er octobre 2003, pourvoi n°01-42867, inédit).

 

Cette jurisprudence est constante, puisque la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle régulièrement que la poursuite du travail par le salarié aux conditions nouvelles fixées par l’employeur ne vaut pas une acceptation de la modification du contrat de travail.

 

A titre d’exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation censure un arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil et affirme que l’acceptation par les salariés de la modification substantielle qu’ils avaient refusée, du contrat de travail ne pouvait résulter de la poursuite par eux du travail (arrêt du 8 octobre 1987, pourvois n°84-41902 et n°84-41903, publié au Bulletin 1987, V, n°541, p. 344).

 

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette systématiquement l’acceptation tacite du salarié en matière de modification du contrat de travail.

 

Pour revenir à l’espèce, dans sa décision du 14 décembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation vise l’article L. 1221-1 du Code du travail et l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

 

Il résulte de la combinaison de ces textes que la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant, ni dans sa structure sans son accord.

 

Dès lors, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel de DOUAI en application de l’article L. 1221-1 du Code du travail et de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation relève que les contrats de travail successifs du salarié mentionnaient que le salarié percevrait la rémunération nette de 1.653 euros.

 

Par conséquent, les juges du fond ne peuvent pas analyser la mention du salaire net comme une erreur matérielle sans constater auparavant l’acceptation claire et non-équivoque du salarié de la modification de la rémunération contractuellement prévue.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt querellé du 26 mars 2021, qui retient que la mention du salaire en net dans le contrat de travail constitue une erreur de plume, ce qui a été compris comme tel par les deux parties durant les treize années de leur collaboration et que l’erreur matérielle n’étant pas créatrice de droit, le salarié ne peut prétendre à des rappels de salaires ou complément d’indemnité de licenciement ni davantage solliciter des dommages-intérêts à l’encontre de son ancien employeur, aucun comportement fautif n’étant mis en évidence.

 

En statuant ainsi, alors que les contrats de travail successifs du salarié stipulaient qu’en rémunération de ses services, il percevrait chaque mois un salaire net forfaitaire de 1.653 euros, la cour d’appel de DOUAI, qui n’a pas constaté que le salarié avait accepté de manière claire et non-équivoque une modification de la rémunération contractuellement prévue, a violé l’article L. 1221-1 du Code du travail et de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a alors cassé et annulé l’arrêt rendu le 26 mars 2021 par la cour d’appel de DOUAI, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de sa demande en rappel de salaires sur la base d’un salaire brut de 2.146,75 euros, de sa demande subséquente en paiement d’un reliquat d’indemnité de licenciement fondée sur ce salaire de référence et de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d’appel.